Images procédurales



Images procédurales : agentivité, affect et aliénation
Qu’apporte l’agentivité algorithmique dans la considération esthétique de l’image en mouvement ? L’automatisation algorithmique croissante de la culture visuelle pose de nouvelles questions aux pouvoirs de l’image en mouvement, non seulement par rapport à ses modèles de distribution et de circulation, mais aussi quant à l’espace même de la perception. Ce projet est basé sur le cadre développé lors d’une précédente enquête sur les « films procéduraux ». Ce cadre s’intéresse à la refonte algorithmique des pratiques contemporaines de l’image en mouvement, en suggérant que l’autonomie algorithmique a entraîné une renégociation affective des rôles traditionnels du spectateur et des images mouvantes, en les considérant plutôt comme un enchevêtrement complexe d’agentivités humaines et non-humaines, de temporalités computationnelles et de procédures génératives, en s’inspirant de la nouvelle théorie matérialiste. La médiation procédurale et l’automatisation sont considérées comme faisant partie intégrante de l’esthétique politique des images en mouvement, et mettent au premier plan la marchandisation de l’attention, du temps et des images. S’appuyant sur ce cadre, cette étude vise à étendre la discussion sur l’autonomie algorithmique dans les films procéduraux à la prise en compte du fonctionnement esthétique d’une série d’artefacts : le « défilement affectif » des médias sociaux audiovisuels, considéré comme une nouvelle forme de montage ; les œuvres d’art réalisées avec l’aide du machine learning ; les modèles d’automatisme audiovisuel dans les interfaces de médias sociaux ; les simulations de moteurs de jeux ; les bots.
L’aspect significatif du cadre procédural réside dans la reconnaissance de l’autonomie perçue des images en mouvement algorithmiques. L’autonomie des films procéduraux tels que les simulations en direct ou les programmes de vie artificielle produit un espace affectif dans les réseaux esthétiques partagés qui permet une négociation des rôles agentiels des participants humains et non humains. Alors que le potentiel de ces agences perçues comme ambiguës est souvent écarté au profit de l’attribution d’une agence purement technologique ou sociale, je soutiens que c’est précisément l’ambiguïté qui nous incite à reconsidérer le potentiel esthétique des opérations, mouvements et gestes de l’image en mouvement.
L’enjeu de ce projet est donc de mettre en lumière la renégociation esthétique que le traitement algorithmique apporte aux diverses pratiques de l’image en mouvement, dans ses formes en réseau et en plateforme. Dans quels scénarios la « vivacité » et l’agencement algorithmique affectent-ils l’enchevêtrement esthétique entre le spectateur et le film ? Comment pouvons-nous aborder les nouvelles formes de montage issues des systèmes de recommandation algorithmique ? Le manque d’attention critique à la place ambiguë de l’agentivité algorithmique dans les cultures de l’image mouvante contribue au rejet continu du potentiel esthétique de telles images à l’intérieur de leurs réseaux socio-techniques de circulation.
Les deux premières études de cas du projet – le « défilement affectif » des médias sociaux audiovisuels, considéré comme une nouvelle forme de montage, et les œuvres d’art réalisées avec l’aide du machine learning – visent à encadrer l’investigation des images en mouvement par rapport aux renégociations de l’agency, de l’affect et de l’aliénation impliquées dans les processus contemporains de production et de médiation procédurales.
Alexandra Anikina